Clean with me (after dark)
Sur les réseaux sociaux, des centaines de femmes se filment en train de faire le ménage chez elles. Pour ce film de fin d’études au département montage de la Fémis, Gabrielle Stemmer expérimente la forme du desktop documentary (film dont l'action se déroule sur le bureau d'un ordinateur).
Clean with me (After Dark) entremêle différentes sources trouvées sur le web, depuis les plateformes de vidéos en ligne jusqu’aux réseaux sociaux, sur l’ultimate cleaning, une pratique consistant à se filmer en train de faire un ménage extrême à domicile. Ces vidéos livrent un témoignage précieux sur le quotidien des femmes au foyer, fatalement solitaire. Ici, des housewives américaines, pour le moins désespérées. D’un état anxieux à dépressif, elles trouvent sur les réseaux des personnes qu’elles prennent pour témoins de leur marathon domestique quotidien.
Cette accumulation de témoignages prend une portée sociologique. Derrière l'injonction au bonheur, présente dans les petites phrases censées stimuler le bien-être, apparaît la pression sociale, une norme imposée par le mariage et l’American dream. Beaucoup de jeunes internautes regardent massivement ces vidéos hypnotiques, tout autant prescriptives qu’éducatives. Les grandes maisons à ranger de fond en comble, toutes identiques, se transforment en prisons pour les ménagères, dont les tourments se nourrissent de la routine quotidienne : vider le lave-vaisselle, étendre le linge ou doucher les enfants. En une vingtaine de minutes et en utilisant la force des images, Gabrielle Stemmer joue l’efficacité pour montrer le poids d’un système injuste et douloureux.
«J'avais vu le film Transformer's the Premake de Kevin B. Lee, qui m'avait épatée et dont j'aimais beaucoup un élément : l'absence de voix off. C'est ce qui a guidé la mise en scènede cette enquête virtuelle parmi les vidéos de ménage. Je regardais ce genre de vidéos, ainsi que bien d'autres, longtemps avant d'avoir l'idée de faire un film dessus. C'est lorsqu'est venu le moment de trouver un sujet pour mon film de fin d'études de la Fémis que le sujet a pris forme. J'ai découvert un réservoir énorme d'images, de paroles, à disposition de toutes et tous sur internet. Il est important d'interroger les images qui nous parviennent quotidiennement sur les réseaux sociaux, et d'attirer l'attention sur les enjeux sociétaux qu'elles révèlent. Et d'appréhender ces images comme de la matière documentaire de premier ordre.» (Gabrielle Stemmer)