Diagonale du vide
Véritable odyssée dans les zones « périphériques » françaises, Diagonale du vide explore des territoires entre ville et campagne, d’un personnage à un autre. Heureusement : l'amour existe.
Diagonale du vide pose un regard de géographe non sur la carte de la France, mais sur ses territoires, que l’on nomme encore « province » et de plus en plus « régions » ou, justement, « territoires ». Les zones de revitalisation rurales (ZRR) en sont une sous-partie urbanistique et politique : des secteurs ruraux, fragilisés par la disparition des usines ou des services publics, marqués par la tertiarisation de l’économie et le vieillissement de la population, qui connaissent des difficultés comparables à celles des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV).
Guillaume Ballandras filme particulièrement la « France moche » ou « des ronds-points ». En se référant à L’Amour existe de Maurice Pialat, qui captait pour la première fois, en 1961, la poésie mêlée au drame des grands ensembles de la banlieue parisienne, le réalisateur met en parallèle les marges rurales et urbaines. Sur la diagonale des départements à faibles densité, du Nord-Est de la France jusqu'au Sud-Ouest en passant par le Massif central, les vallées sont vertes, mais les paysages peuvent, ici aussi, être tristes et monotones. Zones d’activités envahies par les entrepôts, routes agricoles désertes traversées par quelques motos vrombissantes. Partout, champs cultivés, goudron, béton et panneaux paraissent faire barrage à la beauté. Réalisé en 2015, avant le mouvement des Gilets jaunes, Diagonale du vide rend visibles les lieux et les habitant·es de cette « France oubliée », propulsée au centre du débat politique, notamment à travers les discours de l’extrême droite, et décrite par des sociologues tels que Benoît Coquard (Ceux qui restent) ou Nicolas Renahy (Les Gars du coin).
Guillaume Ballandras ne se limite pas au constat sociologique et cultive la nuance et le second degré. Des effets de montage (musique, accélération) ajoutent au réel une touche d’étrangeté et de comédie. En posant sa caméra face aux champs d’éoliennes ou en filmant des jeunes qui attendent le bus sur les parkings des zones commerciales, le réalisateur brosse avec fantaisie le portrait d’une France contrastée, encore peu visible au cinéma, avec ses pleins et ses vides. Ses horizons, ses courbes, ses diagonales. Ses aspérités, loin des clichés.