La Vie du dehors
Pascal Marc entrelace mémoire familiale et distance imposée, construisant un récit fragmenté où l’absence se dit autant par les silences que par les images et les mots. À travers des archives VHS tournées par son père entre 1979 et 1984 et la correspondance de sa mère à ce dernier, incarcéré de 1985 à 1991, le cinéaste recompose l’histoire intime de la séparation forcée d’une famille.
L’enfermement du père, dont les conditions ne sont jamais évoquées, se manifeste surtout par le vide laissé derrière lui. Ce sont les mots des enfants, tendres et tristes, et portés par la mère dans ses lettres, qui incarnent le mieux l'impact de l'incarcération sur la cellule familiale. La correspondance du couple nous est livrée incomplète : nous n’entendons que les mots de la mère. Ceux du père, comme lui, sont absents. L’échange n’est qu’à moitié révélé, et suggère un dialogue manquant, une relation condamnée à l’attente d’une réunion future.
Face à ces lettres d’amour et d’espérance, il n’y a que les vidéos du père, tournées avant son incarcération. Elles nous parlent depuis un passé insouciant, comme un contrepoint à la rupture qui suivra. Parfois, dans ce labyrinthe d’images dérobées à l’oubli, sa voix surgit. Un père aimant se dessine. Que s’est-il passé ? Le film ne le dira pas. Ni ses enfants alors, à qui l’on cache l’incarcération de leur père, ni le spectateur aujourd’hui, qui ignore la raison de celle-ci, ne peuvent accéder à l’entière vérité : la prison fait l’objet d’un tabou.
Au fil des lettres, une autre inquiétude émerge : plus l’amour est promis, plus on devine la peur qu’il se délite. Les assurances de patience, les serments d’attachement semblent, à force d’être répétés, révéler leur fragilité. L’écart se creuse, inévitablement. L’éducation des enfants, évoquée à maintes reprises, semble n’être que le dernier fil reliant les amants séparés. Pourtant, La Vie du dehors n’est pas tant un film sur la relation entre un père et ses enfants, qu’une exploration de la vie conjugale à l’épreuve de la séparation. Pascal Marc nous invite dans une matière intime où l’absence, paradoxalement, envahit tout l’espace. La Vie du dehors capte ce qui demeure lorsque l’autre est loin - les mots, les images et l’incertitude - et explore comment l'amour et la mémoire peuvent servir de ponts entre les êtres séparés.