How to save a dead friend
Marusya rencontre Kimi au tournant du millénaire et tombe éperdument amoureuse. Une caméra à la place du cœur, Marusya filme leur histoire d’amour dans une Russie en pleine confusion, chroniquant les espoirs comme les impasses de toute une génération.
À l’aube du millénaire, la Russie cherche son chemin après le socialisme soviétique. Le nouveau Président de la Fédération de Russie fraîchement élu, Vladimir Poutine, souhaite la nouvelle année à ses compatriotes à la télévision. Poutine incarne alors l’espoir d’une normalisation après les excès des années Eltsine. Les Russes regardent leur écran avec défiance. L’ouverture du pays est peut-être un leurre, la Liberté un horizon inatteignable. Comme des générations de Russes avant eux, Marusya et Kimi se méfient de l’État fédéral, de sa police et de ses médias. Ils vivent reclus entre amis sans perspectives précises, repliés dans une forme d’hédonisme résigné.
Marusya Syroechkovskaya vient d’une famille plus aisée qui peut se saisir des opportunités et voyager. En revanche, Kirill (Kimi) Morev est d’une famille où la malédiction sociale colle à chaque fils des quartiers populaires de Moscou. Pour Kimi comme pour son frère, tout est bon pour s'anesthésier et la Russie a bien plus à offrir que l'alcool pour passer de l'autre côté du miroir.
Depuis sa rencontre avec Kimi a seulement 16 ans, Marusya filme obstinément comme si sa vie en dépendait, leur passage à l’âge adulte comme leur amour fusionnel. Après leur séparation, Marusya revient néanmoins au chevet de Kimi, empêtré dans ses addictions, abîmé par ses séjours en hôpital psychiatrique. Son regard brûle “d'une pulsion de vie qui regarde, impuissante, la douloureuse détermination d’une pulsion de mort” (Murielle Joudet). Avec ce matériau hétéroclite accumulé pendant douze ans de tournage improvisé, Marusya livre un récit incisif d’une folle inventivité. Comme si dans cette Russie où la Liberté est un éternel mirage seul l’individu pouvait se libérer par la caméra, pouvait crier sa vérité par le cinéma. Si filmer ne peut ressusciter personne, son geste est un fulgurant acte de foi dans le cinéma et le témoignage enflammé d’une fidélité indéfectible.