Papa s'en va [version audiodécrite]
Il n’est jamais trop tard pour accomplir ses rêves : à 70 ans, mon père, ancien médecin gynécologue-obstétricien et héros de documentaire, a décidé de devenir acteur. Le film suit sa nouvelle vie, depuis son pot de départ à l’hôpital jusqu’à son premier casting. Moi qui suis cinéaste, je vois ma créature m’échapper et s’émanciper. Pauline Horovitz filme son père depuis 2009. Dans ce nouveau chapitre aux accents de comédie documentaire douce-amère, le héros, ancien médecin "programmé" pour travailler, profite de sa retraite pour devenir acteur. En suivant les premiers pas de cette nouvelle vie émancipatrice, la fille-cinéaste regarde sa "créature" lui échapper…
Le docteur Jacques Horovitz pense la retraite comme une antichambre de la mort. Dans Papa s’en va, cette dernière est bien présente, tantôt nébuleuse, inscrite dans les plis du quotidien d’un homme résidant désormais seul (ou avec sa sœur malade) et tantôt souterraine, faisant surgir les fantômes du passé. Pauline Horovitz décrit en mots et en images le décor de l’appartement paternel à Bordeaux : des papiers peints demeurés identiques depuis le départ de l’ancien locataire dans les années 80, des pièces très chargées laissées en jachère, formant un vaste et unique bureau de travail et des placards fournis de denrées prévues en cas de guerre d’occupation. Pauline Horovitz avait déjà abordé le rapport familial à la survivance des lieux et des choses dans ses films Les appartements (2006) ou L’instinct de conservation (2009). Cette dernière entretient un lien émotionnel très fort avec les objets, ce qui ne semble pas être le cas de son père, pour lesquels ils semblent davantage utilitaires. Tous deux ont néanmoins cette tendance en commun de ne jamais rien jeter. Dans le désordre de l’appartement, la judaïté est pour le père une identité culturelle à cacher. Et l’on découvre que dans la famille Horovitz, il y a bien des sujets restés dans l’ombre du silence.
Face à l’angoisse des guerres passées ou à venir, le théâtre forme un nouvel espace de survie symbolique qui invite ce père control freak au lâcher-prise, et donc, à vivre l’instant présent et cesser de prévoir les lendemains. Cet apprentissage va à l'opposé de son mode d’existence, depuis sa carrière désignée de médecin jusqu’à l’anticipation du budget de ses obsèques. Jacques, qui se définit lui-même comme étant "plus dans le rationnel que l’émotionnel", devient devant la caméra un personnage burlesque à la drôlerie irrésistible. Il est croqué avec tendresse par sa fille qui met en scène avec fantaisie son corps, sa voix et son attitude légèrement renfrognée. Comment ne pas penser au personnage de Jacques Tati dans Les vacances de M. Hulot (1953), à la vue de sa traversée d’un golf avec un grand parapluie coloré ? Avec Papa s’en va, l’un comme l’autre s’aident mutuellement et ce, avec leurs propres moyens. Elle lui donne une scène, un espace de visibilité et d’expression. Il lui offre ses talents d’acteur et donc, un sujet et un film. La découverte d’une vie plus libre et décontractée augure une enfance retrouvée et la promesse d’un nouveau départ entre le père et sa fille.