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Les Vaches n’auront plus de nom © Douk Douk Productions

Les Vaches n'auront plus de nom [version audiodécrite]

“Ma mère, mon père, les vaches et moi : c’est notre vie depuis que je suis né. Tout le temps, tous les jours. Mais les choses vont changer. Mon père prend sa retraite qu’il attendait avec impatience. Ma mère et ses vaches vont déménager dans une autre exploitation. La ferme de mes parents va disparaitre parce que je ne l’ai pas reprise. Ma mère ne veut pas que ça s’arrête mais elle va devoir tourner la page la plus importante de sa vie.”
(Hubert Charuel)

C'est chouette d'avoir une ferme, d'en avoir fait une exploitation rentable et d'avoir passé sa vie à câliner les vaches, à les appeler par leur petit nom. À l'approche de la retraite, Sylvaine et Jean-Paul Charuel ont tout pour être satisfaits. Pourtant quelque chose cloche : la transmission à la génération suivante. Ils n'ont qu'un fils, Hubert, qui s'est entiché du cinéma et ne reprendra pas la ferme, malgré son attachement au monde paysan. À ce moment-clé de la vie de ses parents, la retraite du père et le départ des vaches pour une ferme ultramoderne, Hubert vient filmer une situation plus explosive qu'il n'y paraît car sa mère supporte mal la séparation d'avec ses bêtes. D'abord concentrée sur le transfert des bovins ("C'est un peu la fin quand même") et sur l'adaptation au nouveau lieu et aux nouveaux outils (un robot de traite pas toujours fiable et des rouleaux de massage géants pour le confort des vaches), Sylvaine tombe peu à peu dans la sinistrose, inquiète pour le troupeau mais aussi, sans doute, inquiète pour son fils qui n'a pas hérité de son atavisme terrien.

Pour ne pas se laisser enfermer dans ce qui ressemble un peu à une débâcle, Hubert possède l'antidote miracle, apanage de tous les grands humanistes du cinéma : l'humour. Ici, il pétille et certains plans ménagent de délicieuses surprises, comme celui du tout petit chat devant le gros sabot de la vache, de la mère qui lit l'horoscope ("C'est pas bien du tout") ou des parents qui sommeillent devant la télé. Cette forme de dérision témoigne de l'éloignement déjà consommé et irréversible du fils, mais aussi de son affection profonde pour ses parents. L'épilogue, tourné trois ans plus tard dans un contexte apaisé, montre Jean-Paul en train de bichonner une moto de grosse cylindrée, tandis que Sylvaine rêve à des voyages lointains. Après sa retraite, elle a racheté une de ses vaches pour lui épargner de finir à la boucherie. Depuis, l'animal parfaitement domestiqué la suit partout en faisant des sauts de cabri et le film peut se clore sur ce tendre hommage à un temps où bêtes et gens cohabitaient et où la vache n°53 portait encore le doux nom de Falbala.

L'avis de la bibliothécaire

Raphaëlle Pireyre, Images en bibliothèques, Paris
Membre de la commission nationale coordonnée par Images en bibliothèques

Hubert Charuel filme la ferme de ses parents qui servait de décor à son long métrage Petit Paysan, César du meilleur premier film. Si la fiction empruntait le chemin du thriller pour faire la chronique de la survie difficile d’une petite exploitation bovine, ce documentaire prend le parti de la comédie burlesque pour faire le récit du déménagement du troupeau de l’exploitation familiale à un GAEC moderne. En enregistrant cette transition entre deux types d’exploitations, le réalisateur enregistre aussi l’adieu teinté de tristesse de sa mère à son troupeau. C’est aussi un tendre roman familial qui se raconte dans cette histoire plus vaste de l’évolution de l’agriculture, celui d’un fils qui a préféré la caméra au monde agricole.

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L'audiodescription du film a été réalisée par Les yeux dits.

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