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Au coeur du bois ©Nour films.jpg

Au cœur du bois [version audiodécrite]

Il était une fois un bois encerclé par la ville. Il fut jadis une forêt, mais qui s’en souvient ? Dans le légendaire Bois de Boulogne, Samantha, Isidro, Geneviève et les autres font le plus vieux métier du monde. Entre confidences, humour et dignité, ils et elles nous emmènent au cœur du Bois.

Après Au bord du monde (2013), qui s’intéressait à la vie nocturne des sans-abri à Paris, Claus Drexel poursuit un travail de visibilité et d’émancipation des habitants de la capitale vivant en marge de la société. Le cinéaste réalise un film pour le grand écran, très loin des images chocs consacrées aux travailleurs et travailleuses du sexe. Objectif grand angle, format scope, lumières et cadrages travaillés, tout est mis en place pour éloigner la crudité du réel. Les décors de ces tableaux en plans fixes sont recherchés : arbres majestueux, camionnettes rose bonbon, vue sur l’immensité sculpturale du lac. Ce travail sur l’image donne un caractère enchanté au Bois de Boulogne, qui semble peuplé de créatures magiques vivant dans les clairières. La mise en scène, à la frontière du fantastique, crée un dialogue formel quasi-théâtral avec les personnages hauts en couleur du Bois, qui jouent avec les codes de la séduction et du désir comme des acteurs de cinéma. La beauté des images et l’intensité de la comédie humaine mettent à distance les vécus, authentiques et parfois dramatiques. Les prostitués du Bois accueillent la noirceur du monde à la lisière de la ville dans un conte de fées réservé aux adultes. Dans sa décision de ne filmer que des indépendants et d’éviter les réseaux de proxénétisme, le réalisateur n’a pas voulu questionner la prostitution en tant que telle.

Le film se cantonne aux portraits de personnes travaillant dans le Bois. Des êtres humains aux profils, âges et parcours très différents : parisiennes, banlieusards, immigrés. À travers leurs témoignages défilent les époques et l’histoire d’un métier. Sont évoquées notamment les conséquences des décisions politiques et juridiques sur leur quotidien, leur chiffre d'affaires ou leur sécurité. Depuis la Loi sur la pénalisation du client votée en 2016, la qualité de vie des prostituées de rue se détériore car elles perdent des clients. Ceux-ci privilégient dorénavant les rendez-vous privés pris sur le net ou par téléphone. La prostitution a apporté à chacun et chacune son lot de malheur et de consolations, entraînant regrets ou au contraire satisfaction d'allier indépendance et une certaine liberté.

L'avis du bibliothécaire

Christophe Thomas, ENSAD - ECOLE NATIONALE SUPÉRIEURE DES ARTS DÉCORATIFS , Paris
Membre de la commission nationale coordonnée par Images en bibliothèques

Au cœur du bois de Boulogne filmé en scope, Claus Drexel recueille la parole illimitée de tous ceux qui, quasiment tous, sont devenus « Elles » et nous racontent leur vie. On nous convie à nous débarrasser des préjugés pour aborder une réalité présentée exclusivement par les protagonistes. Loin d’un reportage télé, on nous invite à un vrai film de cinéma, composé d’une suite de plans fixes sur ces femmes installées au centre de l’image, recueillant leur témoignage intime, leurs confidences sans filtre, souvent bouleversantes, leur précarité grandissante, toujours avec dignité. Leur statut est un sujet politique : marginalisées, victimes de lois répressives, elles sont repoussées socialement. Les plans fixes s’enchaînent comme des tableaux. En arrière-plan, toute la beauté, le calme et la magie du bois et au premier plan, ce qui pourrait sembler dissonant ou sordide, apparaît totalement harmonieux. Le film nous engage à explorer en confiance, sans expliquer vraiment, que chaque personne a un rapport différent à ce métier. La prostitution n’est pas le thème central d’un film sur des humains qui ont en commun de travailler au bois, et qui chacun, ont une vie en dehors. Le film valorise leur parole en la posant dans un bel écrin, plastiquement superbe sans esthétiser la misère. "

+ d'infos

 Cette version audiodécrite du film a été réalisée par Les yeux dits.

À lire, le dossier de presse du film, qui raconte au sein d'un grand entretien le projet du réalisateur Claus Drexel et sa relation avec les prostituées du bois ©Nour films

 

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