Derrière les rideaux
Près du Marché Saint-Pierre à Paris. L'oeil attiré par les néons d’un atelier de confection, je me suis décidée à entrer...
Mes premières séries photographiques s'intéressaient en Pologne aux métiers disparus comme réparateur de stylos plume ou corsetier, également aux métiers anciens comme avec ce coiffeur dans le plus vieux salon polonais. Lors de la préparation du film Derrière les rideaux, j'ai voulu me rapprocher le plus possible des personnages et refléter l'ambiance de travail de l’atelier. Le choix des lieux fut tout à fait fortuit. C'est en me promenant dans le quartier du Marché Saint-Pierre à Paris, que j'ai aperçu une vitrine avec des tissus colorés et cette belle lumière des néons. Au début, je me tenais juste devant la boutique et admirais le travail de ces trois femmes. J'étais très curieuse de savoir qui elles étaient. Les espaces de travail m'ont toujours fascinée car ce sont des espaces de proximité dans lesquels l'on rencontre facilement les gens dans leur quotidien. J'ai eu beaucoup de chance car pour mon film Derrière les rideaux, le travail est aussi un lieu où la famille se retrouve. Ainsi, le travail lui-même fait germer des discussions sur les relations sociales, les racines, le mal du pays, la vie dans le pays d'accueil.
Ces sujets me touchent car ils me concernent directement. Je pense que ce film apporte des réponses à certaines questions que je me pose en tant qu'immigrée. Les expériences du personnage principal, Anh, sont étonnamment similaires aux miennes, même si nos parcours sont différents. D'une certaine manière, filmer le travail s'est imposé à moi, car cette question m'accompagne depuis longtemps. Le travail de ces femmes est très dur, car il est répétitif et demande une concentration et une précision constantes. J'ai un grand respect pour les personnes qui travaillent manuellement et physiquement. Dans l'atelier d'Anh il y avait un silence, interrompu seulement par le bruit de la machine à coudre et le bruissement des draps pliés. Ce curieux mélange de bruit et de silence créait une forme de contemplation, qui a peu à peu laissé sa place au dialogue. La confiance qu'elles m'ont accordée dès le premier jour fut vraiment incroyable. Nos conversations étaient discontinues. Chacune de nous faisait son travail : les femmes cousaient et moi, je les filmais. (Klaudia Kaczmarczyk)