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À pas aveugles © l'Atelier documentaire

À pas aveugles

Pour les nazis, nulle image ne devait subsister de l’extermination systématique des Juifs d’Europe menée de 1942 à 1945. Six déportés sont néanmoins parvenus à photographier clandestinement la vie dans leur camp : Dachau, Buchenwald, Mittelbau-Dora, Ravensbrück, et Auschwitz-Birkenau. Que cherchaient-ils à montrer ? Que voulaient-ils prouver ?

Certaines baraques sont encore là. Les miradors et la clôture barbelée aussi. Mais les survivants ont été libérés depuis longtemps et la vie a finalement déserté ces lieux de mort. Les images prises à la dérobée par six résistants restituent sous nos yeux un peu de la vie de celles et de ceux qui, avec eux, ont traversé l’enfer concentrationnaire. Rudolf Císař, Jean Brichaux, Georges Angéli, Wenzel Polak, Joanna Szydłowska et Alberto Errera ont voulu à tout prix montrer au monde ce que cachaient les nazis. C’est particulièrement flagrant pour les quatre images les plus diffusées et parfois retouchées, prises par le Sonderkommando Errera dans le Krematorium V de Birkenau. Elles se rapprochent au plus près de la mort, en figurant le processus même d’extermination dans les chambres à gaz.

En compagnie de nombreux historiens dont le français Tal Bruttmann, le réalisateur cherche à découvrir dans quelles conditions périlleuses ces images ont été produites. Leur mode opératoire est croisé avec d’autres sources pour apprécier ce qu’elles montrent et ce qu’elles ne montrent pas. Ces images extrêmement fragiles sont précieuses mais nécessitent d’être documentées. En superposant par transparence le passé de la photographie, au présent du tournage, le film fait coïncider le regard des photographes avec les lieux du crime, tels qu’ils subsistent encore.

Sur ces quelques rouleaux de film miraculeusement préservés, des portraits et même des autoportraits. Un bref instant, celles et ceux qui les ont imaginés, ont repris le contrôle de leur image et de leur corps dépossédé, dans un fugace et bouleversant mouvement de résistance intime.

L'avis de la bibliothécaire

Sarah Doucet, Médiathèque d'Orléans, Orléans
Membre de la commission nationale coordonnée par Images en bibliothèques

Nous les regardons ces photographies, pour certaines inédites quand d'autres avaient déjà laissé une empreinte ineffaçable dans nos mémoires. Le film de Christophe Cognet est la somme d'un travail de recherche remarquable permettant pour la première fois de mettre en regard ces quelques images, témoignages rares, en retraçant l'acte photographique le plus précisément possible.

La rigueur historique, l'étude presque clinique et sensible à la fois, et enfin la contextualisation de ces photographies mettent en lumière la volonté de témoigner comme acte de résistance. Bien qu’effectuées dans des contextes et des lieux différents, la façon dont ont été prises ces photographies et ce qu'elles représentent ont une même valeur : rendre visible l'indicible. Avec ce film nécessaire, d'une grande sobriété, Christophe Cognet rend hommage à toutes ces personnes, photographes et photographiés.

+ d'infos

Plus d'informations et un dossier pédagogique à trouver sur le site de la Fondation pour la mémoire de la Shoah

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