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Nuit et brouillard

Nuit et brouillard

Alain Resnais, à la demande du Comité d'histoire de la Seconde Guerre mondiale et de son secrétaire général Henri Michel, se rend en 1955 sur les camps d’Auschwitz-Birkenau, lieu où des milliers d'hommes, de femmes et d'enfants ont perdu la vie.

Le titre Nuit et brouillard (Nacht und Nebel en allemand) fait référence aux prisonniers, majoritairement français, détenus dans les camps en vertu du décret du 7 décembre 1941 ordonnant la déportation vers l’Allemagne de tous les ennemis et opposants du Troisième Reich arrêtés dans les territoires occupés. En 1955, Alain Resnais n’est pas encore le réalisateur reconnu d’Hiroshima mon amour. Il a toutefois réalisé des documentaires artistiques remarqués et vient de signer Les Statues meurent aussi avec Chris Marker, film anticolonialiste frappé d’interdiction par la censure française.

Le projet de Nuit et brouillard bénéficie de la participation de personnalités très investies: le producteur Anatole Dauman, d’origine polonaise, est un ancien résistant, tandis que les historiens Henri Michel et Olga Wormser, conseillers historiques, sont les auteurs d'une Tragédie de la déportation : 1940-1945, présentant des témoignages de déportés. Enfin, l’écrivain Jean Cayrol, auteur des Poèmes de la nuit et du brouillard (Éd. Pierre Seghers, 1946) et déporté N.N. au camp de Mauthausen-Gusen, a accepté d’écrire un texte, dit par Michel Bouquet. Ce commentaire, d’une grande intensité, conjugue l’énoncé factuel (« Neuf millions de morts hantent ce paysage ») au plaidoyer pour que le monde se souvienne et ouvre les yeux (« … nous qui feignons de croire que tout cela est d’un seul temps et d’un seul pays, et qui ne pensons pas à regarder autour de nous, et qui n’entendons pas qu’on crie sans fin »).

Alain Resnais aussi veut que son film résonne comme un appel à conjurer l’oubli. À cet égard, il n’épargne pas le spectateur, longtemps hanté par le pouvoir mortifère des images d’archives en noir et blanc et la trompeuse quiétude des plans en couleur du camp d'Auschwitz, où, comme le rappelle André Heinrich, l’assistant de Resnais sur le tournage, « on marchait par terre, il y avait des ossements, c’était très impressionnant, le poids de tous ces gens qui sont morts ». Premier grand film sur la déportation, Nuit et brouillard sera suivi à partir des années 1980 par des films tel Shoah de Claude Lanzmann qui mettront l’accent sur le génocide des Juifs.

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