les yeux doc

Le Croissant de feu © Rayane Mcirdi

Le Croissant de feu

La destruction, en 2011, de la barre d’immeuble des Gentianes signe le début d’une nouvelle ère pour le quartier des Mourinoux d'Asnières-sur-Seine et ses habitants. S’il faut partir, où peuvent-ils aller ? Comment y arriver ? Des souvenirs se partagent et des ailleurs s’imaginent au fur et à mesure de conversations entre quelques jeunes hommes nés dans les années 1990.

Aux nuages de poussière émanant de la destruction d’un immeuble d’Asnières répondent des fumées fantastiques, aperçues sur un écran de télévision : celles générées par la transformation de Sangohan dans Dragon Ball Z. L’archive douloureuse et la scène de manga constituent deux points nodaux d’une jeunesse qui s’éternise dans l’âge adulte, faute d’avenir dans lequel s’imaginer.

Rayane Mcirdi organise des discussions semi-improvisées dans des espaces de repli, coin de parking ou banc isolé, dans un contexte de mutation de la cité des Mourinoux qui implique une élimination des sites propices au rassemblement. Les conversations avec des amis et un ancien du quartier se déroulent à la façon de dialogues socratiques. Les arguments et contre-arguments circonscrivent un problème : l’attachement irrémédiable à un lieu qui a pourtant perdu sa substance. Les comparses ratissent l’étendue des possibles, et même l’imaginable, tentent de se projeter dans un ailleurs. L’Islande ? La Thaïlande ? Londres ? Le bled ? Quel ciel sera le plus clément pour de jeunes musulmans francophones ?

Le cocon de béton des Mourinoux offre un sentiment de sécurité, mais il s’effrite sous leurs pieds, laissant les amis désemparés. Les liens qui s’y sont tissés pourront-ils se recomposer autre part ? Sous ses airs badins, le film porte la douleur qui émane de l’instrumentalisation d’un territoire autrefois réservé aux plus pauvres, aujourd’hui prisé en vue de l’édification du Grand Paris. Sur les images de bâtiments flambant neuf voués à loger d’autres catégories de population, les dialogues du manga résonnent encore : «Laisse aller ta colère, elle te montrera le chemin vers la victoire.» (extrait du catalogue du festival Cinéma du réel 2022)

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