Une nuit à l'Opéra
À partir d’images d’archives, le réalisateur Sergueï Loznitsa revisite avec humour les soirées de Gala organisées au Palais Garnier dans les années cinquante et soixante. On y voit le Tout-Paris et les célébrités internationales de l'époque gravir, devant un public en liesse, les marches de l’Opéra pour écouter chanter Maria Callas.
«C’est Philippe Martin [producteur, fondateur de la société Les Films Pelléas], que j’ai rencontré grâce à Jonathan Littell, qui m’a suggéré de travailler à partir des archives de l’Opéra. J’ai été inspiré par cette proposition, et je crois que nous sommes parvenus à créer quelque chose d’à la fois léger et beau et qui, par la même occasion, reflète la nature de l'Opéra de Paris en tant qu’institution et son rôle dans la société française [...] L’Opéra de Paris est une institution nationale, un trésor national, et dans une certaine mesure - en l’absence d’un monarque et d’un palais royal - il joue le rôle du "temple sacré", un lieu emblématique de la fierté et de la joie d’une nation, où des dirigeants étrangers sont invités pour admirer la manifestation de la splendeur culturelle et la gloire nationale. Et en même temps, le message le plus important du film est que le pouvoir et la gloire de l’Art sont plus grands que l’aura de n’importe quel politicien ou royauté. Lorsque Maria Callas apparaît sur la scène et qu’on entend les premières notes de l’air de Rosine [Le Barbier de Séville], toutes les vedettes du monde politique, les monarques et dictateurs réunis dans le public tombent dans l’oubli, complètement éclipsés par le talent et le charisme de Maria Callas. Si l’Opéra est le temple des arts, alors l’artiste est Dieu en son temple. Ou alors, pour citer Ossip Mandelstam, “ce n’est pas la ville de Rome qui subsiste à travers les siècles, mais la place des Hommes dans l’univers”». (Extraits de l’entretien avec Sergueï Loznitsa réalisé à l’occasion de la sortie du film Celles qui chantent en juillet 2020)