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Glaneurs et la glaneuse (les) ©Ciné-Tamaris

Les Glaneurs et la glaneuse

Partout en France, à l’orée des années 2000, Agnès Varda a rencontré des glaneurs et des glaneuses souvent poussés par la nécessité, parfois par un choix de vie. Patates, pommes, raisins et autres nourritures jetées, objets mis au rebut sont leur maigre viatique. La cinéaste glane de son côté des images en s’interrogeant sur sa vie et son métier.

Le sujet, placé sous le signe du célèbre tableau de Millet, est introduit par la lecture du dictionnaire qui rappelle l’origine ancienne du glanage et son sens très concret : ramasser sur le sol ce qui reste après la récolte. Si la poésie se déploie délicieusement tout au long du film, l’exactitude de l’information n’en est pas évacuée pour autant. On assiste ainsi à des épisodes burlesques mettant en scène deux (vrais) avocats, l’un expliquant la législation sur le glanage au milieu d’un champ d’artichauts, tandis que l’autre pérore sur celle des objets abandonnés devant une montagne d’encombrants. Nulle part ailleurs que dans le cinéma d’Agnès Varda, à quelques exceptions près (Moullet, Pazienza…), la veine documentaire ne s’accorde aussi spontanément avec la plus totale fantaisie.

Pointant dans la filmographie de Varda après une longue suite de fictions, dont la dernière en 1995 a été un échec cuisant, Les Glaneurs… est le film du retour au cinéma, fait de contacts physiques et d’échanges directs, facilités par l’apparition des petites caméras qui tiennent dans la main. Un « film-je » où la voix d’Agnès Varda joue un rôle de premier plan, selon un parcours qui se construit librement, au fil des associations d‘idées de la filmeuse-glaneuse. Une première étape conduit la petite équipe de tournage dans la Beauce, où cohabitent agriculteurs et glaneurs. Plus tard, des rencontres avec des viticulteurs montrent que la tolérance envers les glaneurs et grapilleurs n’est pas la chose du monde la mieux partagée. Agnès Varda mène aussi son enquête à Paris, sur les marchés où une population assez âgée et aux moyens modestes attend le départ des commerçants pour tenter de récupérer des fruits et légumes réputés invendables. Une occasion de parler de la précarité, comme la récupération d’objets en est une autre de parler de l’art et des artistes, qui sont de grands chineurs d’ustensiles improbables. Le film n’échappe pas à une certaine mélancolie lorsque Varda filme les taches brunes sur sa peau, signe de la vieillesse qui s’installe. Il ne faut néanmoins pas se fier à cette allusion insistante à la (sa) mort : après Les Glaneurs…, la cinéaste devenue plasticienne à l’occasion de plusieurs expositions a continué à nous faire partager sa vie à travers d’autres documentaires, dont l’inoubliable Les Plages d’Agnès.

+ d'infos

Le dossier pédagogique Collège au cinéma est disponible sur le site du CNC, avec à l'intérieur : Fiche technique, biographie "Les Vies d'Agnès Varda", Récit "Progression et digression", « Personnages » de documentaire
Technique "L'oeil dans la main", Affiche, Rebuts et rébus, Découpage narratif, Séquence, Les jeunes sans toi face à la loi, Temps et documentaire, Le présent à tous les temps, Portrait et autoportrait, Entre peinture et écriture, Échos, Éloge du recyclage, Bonus "Salut c'est cool, fans de Varda"

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