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Mille fois recommencer © Alter Ego Production

Mille fois recommencer

En contrebas des célèbres carrières de marbre blanc, l’Académie des Beaux-Arts de Carrare accueille des étudiants venus du monde entier. On y enseigne la sculpture, à l’aide de techniques traditionnelles héritées de la Renaissance et de technologies de pointe.

À l’image des jeunes gens qui viennent étudier dans cette vallée toscane, Daniela de Felice a elle aussi fréquenté une école des Beaux-Arts, à Bruxelles, formation qui lui a permis de mieux comprendre comment on devient un ou une artiste. De son premier film, Libro nero (2007), à son dernier documentaire, Ardenza (2022), la réalisatrice tisse des liens entre autobiographie et sociologie, entre son histoire personnelle et l’histoire de son pays, l’Italie. Elle a également monté La Mécanique des corps (2016) de Matthieu Chatellier, réalisateur avec lequel elle travaille en binôme, film qui traite des prothèses mécaniques portées par les amputés. Cette réflexion sur la plasticité des matériaux, l’hybridation des corps, le passage du biologique à l’artificiel, a conduit très naturellement son travail documentaire vers le sujet de la sculpture.

Dans l’Accademia di Belle Arti di Carrara se croisent plusieurs générations et plusieurs origines : des étudiants français ou chinois rencontrent des maîtres souvent italiens qui enseignent les techniques les plus ancestrales comme les plus modernes. La réalisatrice met en avant le long apprentissage du geste, évoqué par le titre Mille fois recommencer, référence à la patience extraordinaire dont les apprentis-artisans doivent faire preuve. À l’abri de la montagne et de ses majestueuses carrières, en symbiose avec les matériaux, pierre, bois, terre, les étudiants ajustent leur technique jusqu’à préciser position, angle, mouvement et force. Il en est de même pour le travail des proportions, en deux ou trois dimensions. Quand la présentation des projets de fin d’année arrive, avec son lot de belles promesses comme d’espoirs déçus, Mille fois recommencer touche à sa fin. Mais dans les yeux du spectateur, le film poursuit son parcours initiatique en forme d’invitation à la méditation et au repos de l’esprit, dans l’ombre fraîche des pierres immobiles.

L'avis de la bibliothécaire

Sophie Lamy, Médiathèque Jean Falala, Reims
Membre de la commission nationale coordonnée par Images en bibliothèques

Le geste, la répétition, la matière, le fignolage, la créativité, la fabrication, le regard… Des mains et des esprits qui travaillent, qui créent. Quoi de plus palpitant à faire partager au spectateur que ces moments hautement productifs dans une école d’art en Italie (le pays n’est pas anodin lorsqu’on connaît la charge mentale pour tout artiste) ? Face à des professeurs minutieux mais bienveillants, le spectateur regarde ces élèves eux-mêmes en construction : l’apprenti va-t-il trouver sa voie, va-t-il s’améliorer, va-t-il réussir à mettre ses pas dans ceux de ses prestigieux prédécesseurs ? La passion est palpable : cette jeunesse a soif d’apprendre et de donner sens à sa vie. Sans esbroufes (le silence est roi), les plans donnent le temps au temps de s’inscrire dans l’apprentissage avec comme témoins les statues figées dans l’éternité.

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