les yeux doc

The Filmmaker's house © Andana Films

The Filmmaker's House

Lorsqu’on annonce au Réalisateur que son prochain film doit porter sur le crime, sur le sexe ou sur des célébrités pour recevoir des financements, il décide de prendre les choses en main personnellement et se met à tourner un film chez lui, avec des personnages liés à sa propre vie.

Deux ouvriers anglais, embauchés pour remplacer la clôture du jardin, retirent pendant un temps ce qui séparait la maison de son voisinage pakistanais. Un SDF slovaque parvient à séduire la femme de ménage colombienne du Réalisateur afin qu’elle le laisser entrer, mettant ainsi à l’épreuve les conceptions de chacun en matière de frontières et d’hospitalité. Un sans-abri slovaque, un supporter d’Arsenal, une employée de maison colombienne, une Pakistanaise en plein ramadan. Mikel, Keith, Nery, Zara. Ces quatre personnages éloignés par leur histoire, leur quotidien et leur vision du monde, se croisent le temps d’une journée mouvementée dans la maison de Marc, cinéaste en mal de financements.

L’aspect représentatif de cet échantillon de population du Royaume-Uni frise le comique, mais aussi le tragique, dans un contexte global de fermeture des frontières. La maison est un microcosme dont les limites sont mises en question: Keith remplace la clôture qui sépare Marc de ses voisins, Nery invite Mikel à prendre un bain moussant et Zara fait don à l’assemblée d’un repas de fête – dommage, Keith n’aime pas le curry. Sous une infinité de formes, la question revient: sous quelles conditions accepte-t-on de partager un même espace avec autrui ? Les velléités d’hospitalité sont-elles tributaires des mauvaises odeurs et des opinions contraires ? Plus il devient évident que les événements auxquels on assiste ne surviennent pas spontanément, qu’un travail d’écriture et de mise en scène les régit, plus on a le sentiment de se rapprocher des protagonistes. Le jeu ne s’oppose pas au réel. Au contraire, chaque couche d’artifice semble le dépouiller un peu plus de ses apprêts. Le film devient une fête: au plaisir manifeste que prennent Mikel, Keith, Nery et Zara à jouer cette comédie répond celui que l’on trouve dans leurs interactions malheureusement improbables.

[Extrait du catalogue du festival Cinéma du réel 2021]

L'avis de la bibliothécaire

Laura Tamizé, Médiathèque de Saint-Marcelin, Saint-Marcelin
Membre de la commission nationale coordonnée par Images en bibliothèques

Le film de Marc Isaacs parle avant tout d’hospitalité. En cette période de Brexit, la question des frontières est sans cesse interrogée. Il est question de frontière physique avec les clôtures de voisinage, mais aussi de frontières culturelles ou même corporelles. Quiconque est déjà allé à Londres reconnaitra ces maisons typiques et le melting pot que l’on y observe avec un regard étranger mais dont on sent qu’il y a des limites. Jusqu’où peut-on être dans l’échange quand les réalités sociales et économiques nous éloignent ? Ne vous fiez pas à l’aspect très sérieux de ce thème : on rit beaucoup en regardant The Filmaker’s House car certains clichés sont presque poussés à la parodie. Ce rire est chaque fois l’occasion de déplacer le regard vers d’autres sujets qui mettent en jeu des limites. En effet, en filigrane au début et de manière de plus en plus présente au fur à mesure que le film progresse, le film traite d’autres limites : celle du cinéma et de son industrie, celle qui oppose fiction et réalité, et pour finir celle de la liberté. En ce sens, ce film sera un formidable outil pour parler du cinéma et de ses enjeux.

+ d'infos

La discussion avec le réalisateur Marc Isaacs à la fin de la projection en ligne du film pendant Cinéma du réel #21
A lire, le dossier Marc Isaacs, espaces de vie sur Balises.
L'entretien avec Harry Bos sur le cycle Denis Gheerbrant/ Marc Isaacs à la Bibliothèque publique d'information sur Bpipro.

Pour aller plus loin, consulter ci-dessous le dossier de presse du film présentant le travail de Marc Isaacs. 

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