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Pas d'or pour Kalsaka

Dans les années 2000, l'Etat burkinabé délivre plusieurs permis d'exploitation minière à des sociétés multinationales, c'est le début du boom minier, ou "la ruée vers l'or". La première mine d'or d'exploitation industrielle à ciel ouvert est construite en juin 2006 à Kalsaka par la société anglaise Kalsaka Mining SA pour exploiter 18 tonnes en 10 ans.

Dans la partie nord du Burkina-Faso, l'un des pays les plus pauvres d'Afrique et du monde, le village de Kalsaka est assis sur un trésor. Les anciens l'avaient dit depuis longtemps, la colline qui domine le village est une montagne d'or. Cela n'a pas empêché les paysans de poursuivre leurs activités traditionnelles, comme si de rien n'était et de travailler durement dans les champs, l'agriculture et l'élevage étant leurs principales sources de revenu. Lorsqu'un blanc est venu faire de l'observation dans le village, ce jour-là tout le monde a compris que les anciens avaient été clairvoyants. Le gouvernement burkinabè signe alors des contrats d'exploitation avec les sociétés minières occidentales qui s'installent à Kalsaka et dans de nombreux autres villages du pays. La première mine d'or à ciel ouvert est construite en juin 2006 à Kalsaka. C'est un grand espoir pour la population mais l'évaluation des terres ne tient pas toutes ses promesses. La communication gouvernementale, qui annonce la construction d'écoles et l'ouverture du micro-crédit à la population, cache mal la spoliation derrière l'expropriation forcée des terres.

En 2013, la mine ferme et laisse dernière elle un désert social et environnemental, l'or s'est envolé et avec l'or, les sociétés étrangères. Les champs sont détruits, l'eau est polluée, la mine est un gigantesque canyon déserté par la faune et la flore. L'indemnisation n'ayant été versée que pendant cinq ans, les femmes font de l'orpaillage pour vivre. Au village, c'est le désespoir et la peur qui dominent, peur de la contamination par l'eau polluée, désespoir d'avoir laissé partir les richesses. Michel K. Zongo, qui fait commenter l'action par un "troubadour" sarcastique, ne se contente pas d'observer et de filmer, il aide les paysans dans leur bataille juridique en prenant à sa charge les frais d'analyse des échantillons d'eau, qui montrent que les taux de fer, nitrate et cyanure sont bien au-delà des normes de qualité définies par l'OMS pour l'eau potable. Contre le pot de fer, le pot de terre a commencé à se mobiliser, c'est la leçon du film qui débute comme un western et se termine dans une ambiance fraternelle.

L'avis du bibliothécaire

Thierry Barriaux, Bibliothèque Oscar Niemeyer, Le Havre
Membre de la commission nationale coordonnée par Images en bibliothèques

De façon très documentée, Pas d’or pour Kalsaka montre l’expérience d’une population paysanne injustement privée de ses terres, exposée à l’utilisation de produits toxiques et soupçonneuse de la salubrité des sols et de l’eau depuis le départ de l’entreprise incriminée. Les villageois désemparés n’ont depuis qu’un désir : que le fautif paie. En s’appuyant formellement sur une imagerie directement issue du western, le réalisateur burkinabé semble inviter les habitants de Kalsaka à se saisir des codes anglo-saxons pour réclamer la revanche qui leur est due. Concrètement, cela passera par faire parler les chiffres puisqu’il ira jusqu’à financer les analyses d’eau, seules capables d’initier le début d’une démarche judiciaire. Un film d’investigation qui ne se contente pas d’énoncer l’injustice d’une situation, mais s’autorise le droit d’intervenir dans le débat afin de faire surgir l’espoir d’une justice possible.

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