les yeux doc

Miniyamba

Miniyamba

L'esprit de Miniyamba, Grand Serpent protecteur et tyran des villages décrit par la mythologie soninké d'Afrique de l'Ouest, irrigue l'histoire dessinée que raconte Luc Perez. C'est une histoire très contemporaine, triste car on y parle de mort et joyeuse car la musique de Moussa Diallo et les sons cristallins du n'goni résonnent tout au long du film. Comme les dizaines de milliers de personnes qui chaque jour dans le monde quittent leur terre natale, Abdu, un musicien malien, et le jeune Bakari rencontré en chemin ont decidé de gagner l'Europe. De Bourem (région de Gao) à Aguelhoc, au sud de Tessalit, en plein désert, le convoi brinquebalant des émigrés juchés sur le camion fait route vers la frontière algérienne, puis gagne le Maroc, Tétouan et Bel Younech, paradis des vacanciers devenu l'enfer des migrants, jusqu'à l'enclave espagnole de Ceuta. Ils ont dû abandonner leurs dernières richesses pour payer les passeurs, mais ce sacrifice ne les protège pas des embûches qui se multiplient sur la route : débarquement impromptu du camion lors du passage des frontières, longues marches à pied en plein désert, bivouacs, chaleur torride et froid glacial, lassitude des corps et des esprits et toujours, la dangerosité de la rapacité humaine, l'exploitation, la corruption. Comme dans la vraie vie, seul un très petit nombre réussira à franchir le double grillage barbelé qui sépare le Maroc de l'enclave et à passer en Espagne. Les autres mourront sur place sous les balles de la police ou seront refoulés dans le désert. Amoureux du blues (le film est dédié à Robert Johnson et à Ali Farka Touré), Luc Perez a voulu que la musique traditionnelle malienne sous-tende l'action du film et réchauffe l'image de ses accords envoûtants. Réhaussés et dynamisés par le flux musical, les dessins s'animent de couleurs vives et de textures soyeuses jusqu'à nous faire comprendre de manière explicite, sans jamais nous brusquer, la tragédie que vit une grande partie de l'humanité.

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