Eredità
Jean-Luc habite dans un appartement où a vécu autrefois Joseph, le père de sa voisine Muguette. Le cinéaste y ressent une présence intangible, à partir de laquelle il entreprend de filmer sa voisine. La vieille dame se révèle progressivement dans toute son excentricité, accumulant chez elle des objets jusqu’à l'embolie.
L’un croit aux fantômes, l’autre pas, préférant la matière aux esprits. Muguette, née le 11 avril 1938 dans un appartement modeste de 18 m2 à Saint-Ouen, près de Paris, est issue d’un milieu populaire : une mère couturière, un père immigré Sicilien. Ayant compté 44 emplois pendant toute sa vie, de porteuse d’eau à secrétaire quadrilingue, cette petite femme énergique a raconté son histoire sur scène pour les dramaturges Emily Mast et Didier Ruiz. Elle est désormais atteinte d’une maladie rare, touchant environ une personne sur 2000 en France. Le syndrome de Diogène est une forme extrême de syllogomanie qui se manifeste par l’accumulation compulsive d’objets de tous ordres, un trouble qui touche principalement les personnes âgées et provoque isolement social et repli sur soi.
Avec sa caméra-œilleton sur l’épaule, Jean-Luc Cesco dresse un double-portrait croisé. À partir de leurs souvenirs, le cinéaste entremêle l’histoire de son père, Victor, avec celle du père de Muguette, Joseph. Avec Eredità (héritage en italien), il fait ainsi vivre un passé habité de fragments comme de petits testaments intimes.
Son délicat théâtre d’ombres révèle petit à petit l’inexorable marche en avant de la maladie. Avec beaucoup d’humour et de tendresse, Jean-Luc cultive avec persévérance son lien indéfectible à Muguette, dans un touchant cinéma du quotidien. Chaque visite est ainsi un moment d’humanité partagée avec le spectateur, un éphémère mais salutaire antidote à sa vulnérabilité.