Richland
Richland s’attarde sur une petite ville de l’État de Washington, ancien épicentre de la production de plutonium pour le projet Manhattan. Façonnée par ce passé industriel et militaire, Richland porte les empreintes d’un complexe militaro-industriel toujours visible. La réalisatrice Irene Lusztig explore avec minutie les couches d’histoire enfouies sous les récits de fierté collective, mêlant patriotisme et héritage difficile.
Les noms de rues, les logos de bowling, la mascotte de l’université : tout témoigne d’une identité locale bâtie sur la contribution à l’effort national de guerre. Irene Lusztig capte ce patriotisme dans des activités de groupe (chorales, parades) et des entretiens où transparaît une nostalgie pour une vie protégée – blanche, confortable, idéalisée. Mais des fissures apparaissent : que savaient vraiment les travailleurs et les habitants ? Quelle était leur responsabilité alors que le plutonium alimentait la bombe atomique et que les déchets nucléaires étaient déversés sur des réserves indiennes évacuées ? Les entretiens filmés de face instaurent une tension : la responsabilité collective, diffuse comme les radiations, est interrogée avec acuité.
Le film tisse un dialogue entre passé et présent, où les discours scientifiques et politiques d’alors se heurtent au travail de prise de conscience d’aujourd’hui. Les habitants oscillent entre fierté et prise de conscience des conséquences : sols contaminés, terres devenues des no man’s land, maladies invisibles. Les chants et poèmes, qui rythment le montage, donnent voix à l’indicible des effets du nucléaire, et semblent dire que seule une forme artistique est capable d’en rendre compte.
Dans Richland, Irene Lusztig ne se contente pas, à travers les images d’archives et les témoignages, d’exhumer le passé glorifié, elle interroge le présent : comment les sociétés peuvent-elles reprendre leur travail de mémoire ? Comment apaiser l’histoire collective de ce passé violent ?