Up the River with Acid
Deux jours dans la vie de Horst, un homme dont la vie a pris un tournant décisif après une série de déclins cognitifs.
Debout devant la fenêtre ouverte par laquelle un vent doux fait danser les rideaux, un vieil homme lui aussi se dandine drôlement. Pour l’essentiel, son geste est une énigme – mais pour une part on devine un plaisir élémentaire des sens : se laisser caresser par ce vent, valser avec lui. On sait une chose, aussi : à cette danse étrange deux sens manquent, qui sont ceux par lesquels le spectateur est fait témoin. Horst, le père du cinéaste, a presque perdu la vue, et l’ouïe, emportées par un déclin qui ronge aussi peu à peu sa mémoire. Alors, lui qui fut jadis un professeur bavard et qui vit désormais semi-reclus dans sa conscience amoindrie, est devenue cette « énigme », ce « lac en hiver ». Les mots sont de sa femme, dont le film est tout autant le portrait, et qui consigne par écrit les quelques impressions que lui font, dans leur maison calme, ce mystère avec lequel il lui faut composer. Par l’œil du fils, avec une semblable tendresse et une quinzaine de bobines 16 mm, le film cherche les moyens de se fondre dans ce périmètre rétréci et peu à peu délavé, consignant les gestes que l’habitude a maintenus, observant ceux que le déclin a fait naître. Il suit là la leçon de la mère, qui dit encore : « Il ne sert à rien de vouloir te raccompagner là où notre voyage a commencé. » Cette phrase, une scène magnifique viendra pourtant la contredire, en prouvant que ce souvenir-là, celui de leur rencontre, n’a pas disparu de l’esprit de Horst. Il était bien naturel que le film y trouve son titre.
(Jérôme Momcilovic, Cinéma du réel 2023)