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Les Prières de Delphine © Tandor Productions

Les Prières de Delphine

Le portrait de Delphine, une jeune Camerounaise qui, après la mort de sa mère et la démission de son père de ses responsabilités parentales, subit un viol à l’âge de 13 ans. Elle sombre dans la prostitution pour subvenir à ses besoins. Elle épouse un Belge qui a trois fois son âge en espérant trouver une meilleure vie en Europe pour elle et sa fille.

La caméra de Rosine cherche à se faire une place dans la chambre de Delphine. Elle est très encombrée. Delphine aussi. Elle porte en elle une souffrance qui a des cornes, comme elle le dit si bien. En inépuisable conteuse, elle se confie depuis son lit, assise, allongée, affalée, mais toujours apprêtée. Elle choisit la malice pour transmettre l’horreur et l’humour décomplexé pour nous révéler les épaisseurs de sa vie. La rancœur contre le père, la mort de la nièce, le corps qu’on lui prend, qu’elle vend, qu’elle retrouve, qu’elle redonne. Itinéraire d'une jeune femme sacrifiée, inaudible et sans soutien, dont la survie s’est faite en acquérant les ficelles d’une pratique banale, le chacun pour soi, et d’un objectif unique, partir.

En face, Rosine reste là, engagée dans un film d’écoute. Le choix est sincère et radical, pas besoin d’aller chercher ailleurs, d’illustrer ou de révéler autre chose que le visage. La cinéaste se cramponne au récit de sa compatriote qui lui conte un Cameroun bien éloigné de celui qu’elle connaît. Les mécaniques en place, les contradictions et les systèmes de domination qui se perpétuent et à travers desquels Delphine a tenté de se frayer un chemin jusqu’ici, «au paradis des blancs» où elle a trouvé autant de souffrance.

(Extrait du catalogue du festival Cinéma du réel 2021)

L'avis de la bibliothécaire

Alexia Vanhée, BNF, Paris
Membre de la commission nationale coordonnée par Images en bibliothèques

Entre les quatre murs d’un appartement encombré, Delphine livre tout. La réalisatrice, elle aussi Camerounaise exilée en Europe, s’appuie sur son intimité avec elle pour libérer une parole aux langues multiples et d’une brutale franchise. Le film qu’elles créent ensemble, “carnet de bord” de la survie de Delphine, devient alors l’exutoire d’un être ballotté par l’existence. Mais peu à peu, le feu s’éteint, les regrets affleurent. La caméra s’attarde sur le visage découragé de Delphine avant qu’elle ne livre sa fervente prière finale. On ne peut qu’être touché par cette énergie du désespoir, magnifiquement captée par l’espace que Rosine Mbakam a choisi de laisser à sa protagoniste.

+ d'infos

Discussion CANAL REEL  avec la réalisatrice Rosine Mbakam autour de son film Les Prières de Delphine (Prix des Jeunes – Cinéma du réel, sélection internationale 2021)

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