les yeux doc

En plein jour © Quartett Productions

En plein jour

« Dans l’intimité ouverte des jardins publics, des femmes et des hommes me parlent de leurs histoires d’amour et de sexe. Ensemble, nous dessinons une cartographie de ce que l’on peut dévoiler de sa façon d’aimer, des normes, et des tabous qui limitent la parole. »

 Au cours de ses études, Lysa Heurtier Manzanares a travaillé sur la représentation de la sexualité féminine dans le cinéma de Catherine Breillat et Jean-Claude Brisseau et s’est intéressée aux questions de genre, au corps et à tout ce qui relève de la sexualité. Pour son premier long métrage, elle s’est inspirée du travail de Silvano Agosti On vit d’amour (1983), ensemble d’entretiens sur le sentiment amoureux filmés avec les habitants, principalement des femmes, de Parme.

 Sept femmes et deux hommes ont accepté de se dévoiler devant la caméra de Lysa, au terme d’un travail d’écriture, d’entretiens de terrain, de tournage et de montage qui s’est déroulé sur plusieurs années et a coïncidé avec l’affaire Weinstein et le développement rapide du mouvement #MeToo, qui a encouragé la prise de parole des femmes victimes de violences sexuelles.

 Le dispositif scénographique du documentaire est à la fois simple et inattendu. Simple, car les protagonistes sont filmés en vis-à-vis dans un lieu unique, mais inattendu car ce lieu est un jardin public (on reconnaît notamment le Parc des Buttes-Chaumont à Paris), cadre qui réinvente radicalement la notion d’intimité. Pas facile dans ces conditions de partager ses pensées secrètes. Pourtant, au risque de glisser vers un propos naturaliste, le film fait le pari d’aborder la sexualité sous tous, ou presque, ses aspects, depuis les premières fois, heureuses ou pas, jusqu’aux interrogations sur le consentement, la dépendance affective, la recherche du plaisir ou au contraire l’asexualité, le manque de désir. Loin de s’effrayer de cette proposition, les participants semblent souscrire à la vision de la réalisatrice. En toute confiance, librement et peut-être avec un certain soulagement, les mots fusent, l’histoire se construit. L’important dans tout ça, n’est-ce pas de parler et d’informer ?

L'avis de la bibliothécaire

Alexia Roux, Médiathèque Edouard Glissant, Le Blanc-Mesnil
Membre de la commission nationale coordonnée par Images en bibliothèques

Le sexe est ce dont on parle sans arrêt, mais Michel Foucault le montre dans son Histoire de la sexualité, sa vérité est divisée entre une morale médicale (scientia sexualis) et une technique des plaisirs (ars erotica). Lysa Heurtier Manzanares privilégie le second aspect en conviant une dizaine de personnes à lui parler de sexe. Elle renoue avec le dispositif de l'aveu qui n'est cependant pas celui du christianisme ou de la psychanalyse. Récits de soi en plein air et durée des plans, jeu optique du zoom et variations lumineuses des parcs où se jouent les scènes de l'aveu : l'intimité s'expose et, avec la confiance nécessaire à son expression, la parole des rapports de l'individualité et de la sexualité est renouvelée. Si le sexe peut être une énigme s'interposant entre soi et soi, l'érotique en serait la résolution engageant une expérimentation dont la construction est sans modèle. Aller au-delà des postures viriles, des réflexes de genre et des traumas participe de l'aventure de soi.

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