Uncanny Valley, la vallée de l'étrange
Le titre du film, de prime abord énigmatique, révèle la nature profonde de l’expérience qui est menée par le réalisateur Paul Wenninger, à travers un épisode traumatisant d’une journée sur un champ de bataille de la Première Guerre mondiale.
"Uncanny Valley" est un concept imaginé par le roboticien japonais Masahiro Mori. Selon cette théorie, l’anthropomorphisme hyper-réaliste qui devient la norme dans la conception des robots androïdes engendre au départ un malaise et un rejet de la part des êtres humains, confrontés à l’image d’un «semblable» profondément différent. Mais, une fois traversé une zone de tolérance ou plutôt de résistance, une "vallée dérangeante" selon M. Mori, les robots androïdes les plus humanisés sont finalement les mieux acceptés par les hommes. Le film s’appuie sur cette théorie, tout en fonctionnant sur un scénario inverse : à priori, rien ne nous permet de douter de l’humanité des soldats qui rampent dans le tréfonds des tranchés pour échapper aux obus ou qui se risquent à s'infiltrer à travers les lignes ennemies, prêts au combat corps à corps à la baïonnette et à l’attaque surprise à la grenade.
Un vrai documentaire, qui a la particularité d’être réalisé en pixillation, technique d’animation image par image de vues réelles, de personnages réels. Tout est vrai. Tout, sauf… La scène finale opère à cet égard une incroyable pirouette, révélant la profondeur inattendue et psychanalytique (comment ne pas penser à "L’inquiétante étrangeté" freudienne) du message porté par le film. Au-delà de son formalisme strict de journal de guerre, "Uncanny Valley" pose au spectateur des questions vertigineuses sur la condition humaine.