les yeux doc

Jean Reverzy

Jean Reverzy

« La caméra balaie la typographie du livre tandis que la voix se lance dans une première tentative de lecture : Chapitre premier... le passage... Chapitre premier. Cette histoire commença un après-midi, loin de la mer. » La caméra s'immobilise sur un mot : Polynésie. Dans ce qui ressemble à une salle désaffectée, un homme feuillette un magazine. Un homme sans âge. Il attend. Parfois, il quitte sa chaise, va à la fenêtre ou examine longuement la reproduction d'un tableau de Gauguin punaisée sur le mur. Puis il revient s'asseoir, allume une cigarette et tousse. La voix reprend : « Chapitre premier. Cette histoire... », s'aventure un peu plus loin dans le texte : « je besognais dans une grande pièce meublée d'un bureau, d'un fauteuil... », mais est interrompue par celle du témoin (Charles Juliet), qui nous fait part de sa première visite à l'écrivain : « Je lui avais téléphoné pour prendre rendez-vous et, un soir, il m'a reçu, en fin d'après-midi, alors qu'il n'avait plus de clients... » Comme mu par quelque pressentiment, l'homme qui tousse se lève, s'engage dans un couloir, pousse la porte d'un salon livré à l'abandon. Sur un moniteur télé qui semble ne fonctionner que pour les mouches, une jeune femme nue se caresse doucement la cuisse avant de river son regard sur celui de l'homme qui, maintenant, l'observe [...] Ainsi, au fur et à mesure que la figure de Reverzy se précise (son métier de médecin, son voyage en Polynésie, sa vocation tardive d'écrivain), la lecture progresse-t-elle, se fortifiant de tout ce qui s'oppose à son cheminement, travaillant sans relâche à remonter le cours d'un fleuve dont l'écriture aurait douloureusement creusé le lit. Vers la fin de sa vie, Jean Reverzy adressait ce conseil à un jeune écrivain qui le consultait : « Vous voulez écrire ? Apprenez à mourir.» (André S. Labarthe)