les yeux doc

Makongo © Daniele Incalcaterra

Makongo

André et Albert, deux jeunes pygmées Aka, ont un rêve: alphabétiser les enfants des villages alentour. Chaque après-midi, ils parcourent des sentiers sinueux, un tableau sur l'épaule et des ardoises dans un sac, pour rencontrer leurs élèves de la forêt.

Pour son premier film, Elvis Sabin accompagne Albert et André, Pygmées Aka de Centrafrique habitant auprès de leur communauté dans un campement en pleine forêt. Seuls scolarisés du village, ils ont décidé de transmettre leurs connaissances en ouvrant des classes dans les villages des Pygmées. Peuple des forêts, cueilleurs hors pairs, ils comptent sur la récolte des chenilles (Makongo) pour financer leur projet mais le monde est contre eux et le film déroule un conte aux héros maudits.

Les abîmes de la forêt ne sont jamais assez profonds et les logiques marchandes et de domination se sont infiltrées partout. Le film arpente un territoire où tout semble dû, même au bord du monde l’argent régit. Il faut tout négocier, toujours donner plus, accepter les arnaques pour obtenir un peu et laisser glisser menaces et mépris ordinaire. Car les Pygmées ont été mis au ban, déclassés et sont sans cesse stigmatisés par le reste de la société centrafricaine. Face à elle, la bonté des deux hommes est infaillible et le film les accompagne sans fléchir, attentif à leurs regards éreintés mais jamais découragés, à leurs gestes et à leur persévérance. Ils avancent, sans se plier, à travers l’individualisme et la domination devenus monnaie courante.

Le village paraît condamné non pas par les branches et les marécages sans fin mais par le mépris et la soif de richesse prêts à dissoudre ce qu’il reste de communauté. Mais en mettant les enfants sur les bancs et en s’adonnant aux chants polyphoniques qui ponctuent les journées du village, le collectif vibre, repoussant la sentence à demeurer des damnés de la terre. (Extrait du catalogue Cinéma du réel 2020)

L'avis du bibliothécaire

Jean-Francois Baudin, Bibliothèque Départementale des Hautes-Alpes, Gap
Membre de la commission nationale coordonnée par Images en bibliothèques

Pour son premier long métrage Elvis Sabin Ngaïbino nous conte les aventures d’André et Albert, deux sacrés personnages, digne des meilleures aventures du 9ème art. En véritable héros, ils traversent les pires tracasseries marchandes et subissent le racisme anti-pygmées mais rien ne suffit à altérer leur détermination. Leur projet – éduquer les enfants – est si noble et ils l’ont si profondément chevillé au corps que, malgré tout, le moral est bon.
En découvrant, ce bord du monde, au cœur de la forêt africaine, nous pourrions espérer être à l’écart de ce qui nous ronge : individualisme, compétition et exploitation. Il n’en est rien ! André et Albert ne se comportent pas en victime. La force du film est de nous les montrer résolus et valeureux, illuminés par leur projet. Ce dynamisme est payant : les enfants, les sociétés villageoises les reconnaissent et leur font confiance. En retour les voilà, s’appuyant sur la force du collectif, au rythme des chants polyphoniques pygmées (singeant parfaitement le clinquant des musiques occidentales) cultiver l’espérance.
L’humour omniprésent nous donne le recul nécessaire pour nous identifier à ces Hussards noirs des Temps modernes !

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