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Akeji © Mille et une

Akeji, le souffle de la montagne

Au plus profond des montagnes japonaises, le peintre Akeji Sumiyoshi et sa compagne Asako vivent à l’écart du monde. Dans leur ermitage, la vie s’écoule hors du temps parmi les animaux et les esprits de la nature.

“Le temps semble exister, mais il n’existe pas.” nous dit Akeji. Descendant d’une lignée de samouraïs, le maître a été initié à la Voie du thé, du sabre et de la calligraphie, disciplines qui lui permettent de restituer le caractère sacré et impermanent de l’univers. Dans la vallée d’Himuro, surplombant Kyoto, le cycle de la nature semble immuable.

L’ermitage est le lieu d’un temps unique, rythmé par les changements de saisons. Ce lieu peut représenter symboliquement la pensée shintoïste, dans laquelle il n’y a pas de fin, mais un éternel recommencement. La tradition japonaise, volontiers animiste, raconte également que les esprits (yokais) et les dieux (kamis) habitent la nature. Ce phénomène devient presque perceptible puisque pour les Sumiyoshi, rivières, fleurs et feuilles paraissent vibrer en harmonie. L’une des expositions d’Akeji à Tokyo s'intitulait “Mono no ke”, que l’on peut traduire par “l’esprit des choses”. Le calligraphe a en effet beaucoup inspiré Hayao Miyazaki, grand maître du cinéma d’animation, pour notamment son “Princesse Mononoké” (1997).

Le spectateur pourra donc contempler une figure japonaise archétypale devenue rare et précieuse dans notre monde moderne et ce, dans une nature également vouée à disparaître. Moment privilégié car le maître ouvre sa porte à la présence d’une caméra pour la première fois. Quatre tournages d’un mois sur une année ont été nécessaires aux deux réalisateurs Mélanie Schaan et Corentin Leconte pour parvenir à filmer la pratique d’Akeji, que personne n’avait jamais vu peindre, pas même sa femme Asako. Les cinéastes restituent son geste pour la postérité grâce au lien de confiance tissé avec le couple, dont ils accompagnent aussi les vieux jours et le doux déclin.

Dans son opiniâtreté, Akeji n’est pas sans rappeler Hokusai Katsushika (1760-1849), peintre, dessinateur et graveur de quelques-unes des plus célèbres estampes de paysages. Ce dernier écrivait, à la fin du premier volume des Cent vues du Mont Fuji, que “son œuvre exécutée avant l'âge de soixante-dix ans ne comptait pas, qu'à quatre-vingt-dix ans il pénétrerait le secret des choses, qu'à cent ans il serait un vrai peintre, et qu'à cent dix ans il atteindrait la perfection”. Akeji n’est pas devenu centenaire, mais a néanmoins confié à la caméra quelques fragments de son infinie sagesse.

L'avis de la bibliothécaire

Alexia Roux, Médiathèque Edouard Glissant, Le Blanc-Mesnil
Membre de la commission nationale coordonnée par Images en bibliothèques

Asako et Akeji forment un vieux couple shintoïste vivant reclus dans le nord du Japon, en parfaite symbiose avec la nature. Descendant de samouraï, Akeji entretient un savoir traditionnel à travers les gestes précis du quotidien, de la cérémonie du thé matcha à la transmission de contes pour les enfants. Mais l'amertume est là : la vieillesse des corps vient casser un rythme de vie en les obligeant à se familiariser de nouveau avec des pratiques longtemps évitées, les ramenant à la ville. Restent les calligraphies, dernières traces d'un artiste dont le travail aura inspiré Hayao Miyazaki pour ses films d'animation. Car Akeji Sumiyoshi, peintre ayant adopté un style de vie ancestral, a su puiser dans le milieu naturel les ressources nécessaires à transcender son art, à moins que ce ne soit l'inverse. 

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Pour aller plus loin, consulter le dossier de presse du film. © Mille et Une. Films 

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