les yeux doc

Chili : retour vers le futur ?

Il n'y aura pas de révolution sans chansons
Le premier tour de l'élection présidentielle chilienne s’est déroulé le 21 novembre 2021. Le candidat d’extrême droite, José Antonio Kast, arrivé en tête du premier tour, affrontera le 19 décembre le candidat de gauche, Gabriel Boric. Pour la première fois en trente ans, les candidats du centre gauche et du centre droit sont absents.


José Antonio Kast (27,9% des voix) est le plus jeune des neuf enfants d’une famille allemande ayant immigré au Chili après la Seconde Guerre mondiale, conflit au cours duquel son père a servi comme officier de la Wehrmacht. Il a étudié le droit à l'université pontificale catholique du Chili. Son frère, Miguel Kast, a été ministre et directeur de la Banque centrale du Chili sous le régime militaire de Pinochet.

Gabriel Boric (25,7% des voix) a également étudié le droit et fut responsable de la Fédération des étudiants de l’université du Chili. Élu député en 2014, il a soutenu les manifestations massives de 2019-2020 et s'est engagé en faveur de la rédaction d'une nouvelle Constitution destinée à rompre avec l'héritage de la dictature d'Augusto Pinochet. Il a remporté la primaire de la gauche pour l'élection présidentielle de 2021 face au candidat du Parti communiste, étant plus centriste que celui-ci.

Cette élection nous donne l’occasion, à travers trois films, de nous immerger dans l’histoire, la vie quotidienne et culturelle de ce pays.

Il n'y aura pas de révolution sans chanson, de Mélanie Brun

Après avoir étudié la littérature et l’écriture aux États-Unis, à New-York, Mélanie Brun est partie au Chili réaliser un film documentaire sur la musique contestataire locale. Elle y a rencontré, pendant un an et demi, les plus grands chanteurs du pays. Elle a obtenu, à son retour en France, le master Métiers du film documentaire de l’Université d’Aix-en-Provence. Actuellement, elle réalise et monte des courts métrages sur la création musicale.

 «Il n'y aura pas de révolution sans chanson» a dit Salvador Allende. Son gouvernement d’Unité populaire a été accompagné par des chants engagés avant d’être renversé par le coup d'État du 11 septembre 1973 d’Augusto Pinochet, qui instaura une dictature militaire. Le film explore la vie musicale sous Allende, puis sous Pinochet, nous fait rencontrer Victor Jara, Isabel, Angel et Violeta Parra, les Quilapayun, Inti Illimani, Juanafe, et nous montre plus généralement que, partout dans le monde, la musique a le pouvoir d’accompagner les espoirs des peuples.

Zona franca, de Georgi Lazarevski

Georgi Lazarevski, cinéaste yougoslave, filme le sud du Chili, une région sauvage ou apparaît, au détour d’un plan, le panneau «Route de fin du monde». La Patagonie a attiré des aventuriers venant de toute la planète, mais son passé comporte des zones d'ombre : colonisations, extermination des indigènes, implantation de bagnes. Aujourd’hui, afin de développer l’économie locale, une zone franche a été établie au cœur de la province du détroit de Magellan. Mais une grève contre l’augmentation du prix du gaz fait soudain irruption, cassant la routine locale et dérèglant le programme de touristes venus admirer la nature grandiose. Georgi Lazarevski fait le lien entre l’appropriation violente des terres du passé et les problèmes sociaux d’aujourd’hui et évoque la problématique de la destruction des terres d'élevage par des projets d'extraction du gaz de schiste.

Francisco Coloane, l'écrivain du bout du monde, d'Olivier Guiton

«Je suis né au fin fond du Chili, sur l'île de Chiloé, avec un pied sur la terre et l'autre sur la mer. Un pied pour souffrir, l'autre pour se sauver» déclare Francisco Coloane, face à la caméra d’Olivier Guiton. L’écrivain à barbe de baroudeur, né en 1910, dit encore : «C’est la nature qui m’inspire, c’est la vie qui a fait de moi un écrivain». Il gagna à quatorze ans un concours littéraire proposé par le journal de Santiago El Mercurio qui publia sa nouvelle en première page. Il eut la responsabilité d’énormes troupeaux de moutons à l’Estancia Sara, vécut la bohème à Santiago, lutta contre le fascisme, se lia d’amitié avec Pablo Neruda. À quatre-vingt-dix ans, coiffé d’un béret basque, il nous raconte ses aventures entre pampa, littérature et océan Austral.