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Mediapart, partenaire du Prix du public

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Plusieurs partenaires médias accompagnent cette 2e édition du Prix du public. Impliqués depuis de nombreuses années dans le monde du cinéma documentaire, leur travail contribue à la diffusion et à la valorisation de films aux sorties souvent confidentielles. Cette semaine nous donnons la parole à Sophie Dufau, journaliste et programmatrice des documentaires sur Mediapart.

En 2008 vous débutez, avec d’autres, l’aventure Mediapart, quelle est aujourd’hui sa place dans le paysage de la presse française ?

Mediapart est un journal d’information numérique, indépendant et participatif. C’est le postulat de base. À nos débuts nous étions très peu nombreux, une trentaine au maximum. Nous pensions qu’il fallait faire une information de qualité par le biais de l’abonnement. C’était un pari, qui a été beaucoup raillé à l'époque, car l’information devait être gratuite. La gratuité voulait dire faire du clic, ne pas forcément proposer d’enquêtes fouillées et mettre en ligne des sujets plus racoleurs. Nous avons tenu bon. Au début, ça a été difficile. Mais assez vite, avec des enquêtes sur la Caisse d’épargne ou Bernard Tapie, nous avons gagné en notoriété. Et c’est vraiment avec l’affaire Bettencourt que les abonnements ont décollé. L’affaire Liliane Bettencourt telle que Mediapart l’a traitée est une affaire d’intérêt public puisqu’elle démontre que des hommes politiques ont obtenu, auprès de la femme d'affaires, des soutiens et des aides parfois au mépris de la loi. Puis, d’autres affaires dont celle concernant Jérôme Cahuzac ont permis à Mediapart de ne pas apparaître comme un journal partisan s’attaquant uniquement à la droite, mais bien comme un journal indépendant. Aujourd’hui, nous avons  à peu près 130 personnes en CDI dont 60 journalistes - autant en piges - et quelque 208 000 abonnés. L’abonnement est à 11 euros par mois avec des tarifs adaptés pour les étudiants ou pour les personnes qui ont des petites retraites. Mediapart a été créé surtout par des journalistes du Monde : Edwy Plenel, François Bonnet, Laurent Mauduit qui avaient quitté le journal après des conflits avec les actionnaires. Moi, je venais de Libération, mais je ne suis pas une fondatrice au sens où  je n’ai pas participé au financement de départ.  Mediapart s’est installé pleinement dans le paysage médiatique, notamment par ses révélations sur la corruption, les malversations financières, les conflits d’intérêt. Nous sommes très vigilants sur ces sujets. Parallèlement, nous avons développé beaucoup de secteurs qui n’existaient pas vraiment au début, avec des articles sur tout ce qui touche à la démocratie dans la société et sur toutes les discriminations. On travaille aussi beaucoup sur les migrants, sur les violences sexuelles, sur l’écologie ou encore sur le monde du travail. Nous ne traitons qu’à la marge de sujets culturels (même si nous proposons depuis septembre un podcast culture, L’esprit critique, animé par Joseph Confavreux) et pas du tout de sujets sportifs, sauf quand il s’agit de “Football Leaks”. Mediapart est vraiment un média de vigilance democratique sur la corruption et sur le vivre ensemble.

Pourquoi avoir voulu donner une place au cinéma documentaire sur Mediapart ?

Quand on a commencé à grandir, j’étais alors l’adjointe du directeur éditorial, François Bonnet, j’ai pensé que ce serait bien d’avoir des propositions un peu plus incarnées dans nos pages. J’ai alors décidé de donner deux directions assez fortes au journal, autour de la photo et du cinéma, parce que nous sommes un journal multimédia. Les portfolios avaient complètement disparu de la presse et nous avons fait le choix de présenter des séries de 15/20 photos sur un même sujet, traitant aussi bien des histoires d’écologie, de luttes en France ou à l’étranger. Il y a beaucoup de choses à raconter à travers la photographie, sans tomber dans l’illustration.

Pour les documentaires, j’ai choisi d’aller piocher dans les catalogues de films pour donner à voir sur le temps long des sujets, des façons de vivre, le réel de la société tout simplement. C’est aussi une façon d’être en complémentarité avec les enquêtes de Mediapart, des enquêtes au long cours qui ont forcément un angle bien précis quand elles sont publiées. Même si la corruption est plus du ressort d’émissions de télévision telles que Cash Investigation, le documentaire est très proche de notre démarche qui est de prendre le temps de s’installer quelque part et de témoigner. Au départ, c’est  une rencontre avec Images en bibliothèques qui nous a donné l’idée. Nous avons mis en place un partenariat et diffusé un documentaire chaque mois, puis très vite un par semaine. Avec Tënk et des maisons de production qui me sollicitent de temps en temps, nous poursuivons l’expérience. L’objectif est d’offrir une respiration dans ce journal qui est très dense au niveau des informations. Offrir n’est pas un mot en l’air, je pense que les gens viennent sur Mediapart pour découvrir des enquêtes, des reportages et, s’ils restent, c’est qu’ils y découvrent des propositions plus inattendues , notamment du cinéma documentaire qu’ils ont peu l’occasion de voir par ailleurs, parce que très peu de salles proposent ce type de films.

Comment choisissez-vous les documentaires que vous diffusez ?

Nous avons cessé notre partenariat avec Images en bibliothèques il y a un an pour des questions financières et parce que nous avions beaucoup de propositions de maisons de production indépendantes, le rythme était difficile à tenir.  Nous poursuivons avec Tënk que nous soutenons depuis sa création. Je regarde ce qu’ils vont diffuser, je visionne environ 3 films par semaine, leur propose une première liste et demande à avoir les droits monde parce qu’on a des abonnés partout. Eux voient alors ce qu’il est possible d’obtenir dans ces conditions. Après j’essaie de faire un panachage, entre des documentaires sur la société française, des documentaires d’auteurs, des courts métrages très contemporains, quasi expérimentaux pour montrer la diversité des regards. Je ne veux surtout pas ressembler à Envoyé spécial. Je suis attentive à l’engagement du réalisateur, que cela se sente dans son travail. J’ai aussi régulièrement des propositions de réalisateurs, ou de producteurs qui font écho à l’actualité et qui permettent de revisiter une période ou d’expliquer le présent.

Comment travaillez-vous autour du documentaire ?

Je fais toujours un petit texte, 1500 signes au maximum tout simplement parce que je ne veux pas être en surplomb. Je veux que les abonnés regardent et se fassent leur jugement librement. J’essaie juste de donner envie et je propose deux ou trois pistes pour expliquer le choix qui est fait. Comme ils ont un accès direct aux films, je ne veux pas biaiser leur regard par une critique du film. C’est parfois un peu frustrant de se limiter, mais  j’en fais une règle. On fait parfois l’interview d’un réalisateur, mais c’est assez rare parce que cela peut tuer le visionnage du documentaire. Les gens n’ont pas six heures à passer par jour sur Mediapart. Si on a un documentaire de 1h30 plus trois papiers qui demandent chacun 20 minutes de lecture, il y a forcément quelque chose qui va passer à la trappe. Je fais attention à cela. Et puis, pour chaque documentaire, il y a toujours l’espace des commentaires des abonnés et c’est souvent là que les spectateurs font la critique. Je trouve très plaisant que tout à coup le journaliste s’efface et propose à la communauté de ses abonnés de visionner un film et d’en débattre. C’est à mon sens une très bonne formule. On a aussi, depuis peu, une émission, L’esprit critique, un podcast hebdomadaire fait par Joseph Confavreux. Une fois par mois, dans sa séquence cinéma, il donne la parole à des critiques et parfois sur les films documentaires qui sortent en salles. On n’est pas du tout dans la même temporalité, ce sont des documentaires que je ne peux pas avoir car ils ne sont pas encore dans les catalogues. Les documentaires que je propose sont beaucoup relayés sur nos réseaux sociaux, que ce soit Instagram ou Facebook. Cela draine beaucoup de commentaires et de trafic. C'est un budget conséquent chaque année pour un journal dont ce n’est pas la vocation. Nous aidons également, avec Tënk, 4 films par an qui ont du mal à boucler leur budget de postproduction. Par ailleurs, avec France Culture,  La cinémathèque du documentaire, Les Écrans d’Auvergne-Rhône-Alpes et Tënk, nous avons créé le label Oh my doc qui permet de soutenir la sortie cinéma d’un documentaire pour lui donner un maximum de visibilité. Notre intérêt pour le cinéma documentaire a pris peu à peu la forme d’un véritable engagement et tous les samedis soir nous diffusons un nouveau film sur Mediapart.

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