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Derniers jours à Shibati

Derniers jours à Shibati

Shibati, le dernier vieux quartier de la plus grande ville de Chine Chongqing, est sur le point de disparaître. Zhou Hong, le petit prince des ruelles animées du quartier, et Mme Xue Lian, l`extraordinaire marraine des travailleurs migrants, vivent depuis toujours à Shibati. Ils doivent partir vers l’une des milliers de tours anonymes de la banlieue lointaine.

En Chine, comme dans la plupart des centres urbains des pays développés ou en cours de développement, la pression sur les terrains constructibles est forte. À Pékin, les Hutongs, les vieux quartiers et leurs ruelles étroites bordées de maisons basses, ont été rénovés au cours des vingt dernières années, laissant place à des immeubles de grande hauteur, des complexes hôteliers et touristiques. À Chongqing, ville tentaculaire de 34 millions d'habitants de la province du Sichuan (Centre de la Chine), les derniers habitants d'un quartier traditionnel vivent en quasi autarcie, entourés ou plutôt encerclés par les gratte-ciels géants de la ville-lumière, dont les enfants s'approchent le soir, attirés et hypnotisés par la forte luminosité ambiante. C'est le cas de Zhou Hong, petit garçon tiraillé entre une famille restée à l'écart du progrès technologique (les parents ont peur de prendre l'ascenseur) et l'appel de la ville moderne, porteuse d'une promesse d'avenir.

Dans cet espace un peu lunaire, le réalisateur a du mal à trouver sa place car il ne parle pas la langue. Objet des risées de la population, qui voit en lui un excentrique, il ne doit son ancrage dans le quartier qu'aux liens d'amitié qu'il tisse avec deux personnes en marge de la société des adultes : l'enfant et une vieille femme originale, Madame Xue Lian, qui trône sur une déchetterie d'objets hétéroclites, destinés à perpétuer son quartier, sa culture, ses convictions. Film mélancolique et crépusculaire, "Derniers jours à Shibati" fait montre d'une empathie profonde pour tous ceux qui résistent au rouleau-compresseur d'une modernité tyrannique.

L'avis du bibliothécaire

Julien Farenc, Bibliothèque publique d'information (Bpi), Paris
Membre de la commission nationale coordonnée par Images en bibliothèques

Dans le dernier réduit urbain, encore préservé des bulldozers, Hendrick Dusollier promène sa caméra avec une certaine candeur, sans interprète et se heurte bientôt à l’hostilité mêlée de curiosité de ses habitants. Il sillonne ses ruelles de nuit, parfois guidé par un enfant intrigué par sa présence. Il rencontre un coiffeur bavard qui lui propose à manger, et surtout une extraordinaire chiffonnière. La vieille dame lui propose le gîte, et lui fait visiter son musée, à la fois fragment de l’histoire de la culture matérielle de son pays, et monument éphémère et singulier à la beauté du monde. Hendrick Dusollier prend ces témoignages d’un petit univers de ville, observe dans une sorte d’archéologie préventive de l’humain, attentif aux formes fantastiques de ce labyrinthe urbain. Il éclaire l’espace d’un instant, le destin de trois fantômes du grand chemin de lumière de la modernité chinoise.

+ d'infos

Pour aller plus loin, feuilleter le dossier de presse du film comportant un entretien avec le réalisateur Hendrick Dusollier. ©Meteore

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