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En bataille, portrait d'une directrice de prison

À la tête depuis quatre ans du centre pénitentiaire pour hommes de Liancourt, en Picardie, Marie Laffont - directrice-adjointe lors du tournage - a dû se forger une carapace : "Il faut se montrer solide, dit-elle. Coûte que coûte." Dans ce microcosme qu'est la prison, les tensions sont avivées, les esprits s'échauffent vite. 

À rebours de la majeure partie des films documentaires tournés en prison, qui se focalisent sur les détenus et les conditions de détention, la réalisatrice du film En bataille tourne la caméra vers le hors-champ de l'administration pénitentiaire, hors-champ paradoxal que l'on découvre avec d'autant plus d'intérêt et de curiosité que le directeur de la centrale (située "quelque part" en Picardie) est une jeune femme d'apparence fragile et que l'on devine désabusée.

La directrice vit dans un appartement de fonction proche de la prison. La caméra s'y faufile la nuit pour filmer les temps de latence entre deux journées de travail, des heures passées entre la cuisine et les poubelles, et où la cigarette tient lieu de soutien affectif, de rempart contre la perte du lien nécessaire avec la vraie vie. La prison enferme et étouffe tous ceux qui l'habitent, les condamnés comme ceux qui se croient libres. Même Marie, qui s'est forgé un masque de sphynx et un discours parfaitement mesuré, qu'elle prodigue aux détenus et aux collègues de travail dans l'exercice de ses fonctions. Dans ce genre difficile du portrait psychologique, Ève Duchemin fait merveille. Sa formation de chef opérateur lui permet de construire une relation duelle avec les personnes qu'elle filme, souvent sur le fil du rasoir : ici, une directrice de prison en équilibre instable, là une jeune femme incertaine de son avenir dans L'Âge adulte en 2012.

L'avis de la bibliothécaire

Dominique Dat, Bibliothèque Grand Parc, Bordeaux
Membre de la commission nationale coordonnée par Images en bibliothèques

Portrait sensible d’une jeune directrice de prison de 27 ans à la prison de Liancourt. Elle a sur ses épaules la responsabilité de 800 détenus et de 400 employés. Dure tâche que la sienne et pourquoi choisir une telle profession dont l’image est pour le moins dévalorisée en France en particulier ! Marie Laffont navigue entre le dedans et le dehors, victime des préjugés de toutes parts. Cette jolie blonde au regard doux nous dévoile ses fragilités et son assurance, sa force et ses doutes, et ce grâce à la complicité qui s’est crée avec la réalisatrice, Ève Duchemin. Son engagement dans ses fonctions est entier malgré la dureté de cet espace clos et peu avenant. Portrait sincère et sensible. On la voit se démener en faveur des détenus comme du personnel au détriment parfois de sa vie personnelle. Sanctionner, rassurer, raisonner, voilà entre autre en quoi consiste ses longues journées épuisantes. Film très touchant, réaliste et singulier qui procure beaucoup d’émotion.

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