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Derrière le portail

Derrière le portail

«L'élimination des bourreaux passera davantage par l'examen lucide de la nature humaine en chacun de nous que par la recherche du signe distinctif qui qualifierait les monstres». Cette réflexion de François Bizot sous-tend le témoignage bouleversant qu'il livre dans ce film réalisé d'après son livre, «Le Portail» (2000), et qui illustre les réflexions d'Hannah Arendt sur la banalité du mal. François Bizot a été arrêté par les Khmers rouges en 1971 alors qu'il était ethnologue au Cambodge depuis 1965. Alors que son sort, comme celui de milliers d'autres prisonniers, semble inéluctable, il est libéré après trois mois d'internement grâce aux liens complexes qu'il noue avec Douch, le chef du camp. Il retourne à Phnom Penh où il reprend son poste à l'École française d'Extrême-Orient jusqu'en avril 1975, date de la prise de pouvoir des Khmers rouges. Tous les étrangers de la ville, environ mille personnes, dont François Bizot fait partie, sont alors rassemblés à l'ambassade de France avant d'être conduits vingt jours plus tard vers la frontière thaïlandaise, laissant derrière eux tous les Cambodgiens qui avaient également trouvé refuge à l'ambassade. En 1988, retournant pour la première fois au Cambodge et visitant le camp de Tuol-Sleng (S 21) transformé depuis en musée du génocide, Bizot découvre avec stupéfaction que Douch était devenu le chef du plus important centre de torture des Khmers rouges. En 1999, il apprend son arrestation. Une correspondance s'établit alors entre les deux hommes. Ta Mok et Douch, deux des hommes de main les plus fidèles de Pol Pot, attendent en prison leur procès devant un tribunal international pour crimes contre l'humanité. Douch reconnaît 40 000 exécutions perpétrées au nom de l'idéal communiste khmer. François Bizot a accepté d'être cité à comparaître par les avocats de la défense. Devant le portail de l'ambassade de France, François Bizot évoque ces vingt jours dramatiques et le voyage en camion vers la frontière thaïlandaise. Il reste quelques images filmées alors à l'intérieur de l'ambassade. Puis Bizot rencontre un ancien assistant de Douch qui décrit les tortures pratiquées au camp S 21. Enfin, il entreprend de retrouver la famille de Douch, un neveu, puis sa mère, sa sœur et enfin sa fille. Dans la séquence finale, on assiste à l'entrevue avec Douch, qu'il a finalement eu l'autorisation de rencontrer pendant cinq minutes, au cours desquelles ils ont à peine le temps d'évoquer leur rencontre de 1971 : «Je n'ai pas vu un monstre, j'ai vu un homme, et c'est ce qu'il y a de plus terrible justement, qu'il soit un homme comme moi».

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